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384 "text": "<h2>« <em>Le Roi s’amuse</em> est le drame le plus beau des Temps Modernes »</h2>\n<p>C’est à la faveur du contrat signé avec La Fenice que Verdi s’intéresse à nouveau à la pièce de Victor Hugo <em>Le Roi s’amuse</em>, qu’il avait déjà remarquée en 1844 :</p>\n<p style=\"margin-left: 4em; font-size: 0.8em;\">Oh ! <u><em>Le Roi s’amuse</em> est l’histoire la plus grande et peut-être le drame le plus beau des Temps Modernes.</u> Triboulet est un personnage digne de Shakespeare ! On ne peut pas le comparer à Hernani ! C’est une histoire qui ne peut manquer de plaire. [...] Récemment, en réfléchissant sur différentes possibilités, <em>Le Roi s’amuse</em> m’est revenu à l’esprit, ce fut comme la foudre, une inspiration, je me suis exclamé de la même manière : « Oui, mon Dieu, avec un sujet pareil on ne peut pas se tromper ». (Verdi à Piave, Busseto, 8 mai 1850).</p>\n<p>Cette pièce inspire donc Verdi ; son librettiste Piave va l’adapter pour le compositeur. Avant de se pencher sur l’opéra, il faut revenir à cette pièce « à scandale ».</p>\n<h2>La rupture avec le classicisme</h2>\n<p>Pour écrire <em>Le Roi s’amuse</em>, <u>Victor Hugo s’inspire de trois sources littéraires :</u> une pièce de Lessing qu’il a pu connaître par Mme de Staël, <em>Emilia Galotti</em>, où un prince veut déshonorer une jeune fille, un roman paru en 1830, <em>Les Deux Fous, histoire du temps de François 1<sup>er</em> de Paul Lacroix, et <em>Dom Juan</em> de Molière.</p>\n<p>Représenter cette période d’avant les règles classiques qu’est le 16<sup>e</sup> siècle suppose, pour les Romantiques, de s’affranchir de ces règles, anachroniques, pour faire revivre le siècle de François 1er et de Henri IV. <u>En écrivant <em>Le Roi s’amuse</em>, Victor Hugo viole les règles classiques :</u> l’auteur de la préface de <em>Cromwell</em> a rompu avec le classicisme, il a choisi résolument le drame et va jouer avec les conventions de la tragédie. <em>Le Roi s’amuse</em>, tragédie en cinq actes et en vers, semble pourtant suivre le code de la tragédie de l’époque, rajeunie par Voltaire : un sujet pris dans l’Histoire nationale, un grand roi, des allusions politiques, une histoire d’amour qui ne tient pas la première place, et des assouplissements des règles de la tragédie classique.</p>\n<p><u>Les trois unités ne sont pas respectées,</u> la durée se dilate – il y a un saut temporel entre l’acte III et l’acte IV – et à l’acte IV, il y a un décor multiple. Le décor joue sur une fissure entre deux espaces, celui du lieu bourgeois et celui du lieu populaire. Du lieu royal, on passe au lieu bourgeois ou populaire ; petit à petit, tous les personnages aboutissent au lieu populaire, un espace anti-tragique, celui de la dérision et du grotesque.</p>\n<p>Il n’y a pas de comique dans <em>Le Roi s’amuse</em>, le sujet grotesque est un bouffon qui ne fait pas rire. Le drame est <u>grotesque</u> et tout est centré autour de la destruction.</p>\n<p>Les drames hugoliens représentent le 16<sup>e</sup> siècle comme une période révélatrice de la fragilité de tout pouvoir monarchique. <u>Les souverains des drames hugoliens sur le 16<sup>e</sup> siècle sont des souverains menacés :</u> dans <em>Hernani</em>, Don Carlos/Charles Quint déjoue un complot ; dans <em>Le Roi s’amuse</em>, Triboulet veut tuer le roi ; dans <em>Lucrèce Borgia</em>, la souveraine est tuée par Gennaro, son fils ; dans <em>Marie Tudor</em>, la reine sacrifie son favori pour apaiser la colère du peuple ; dans <em>Angelo, tyran de Padoue</em>, l’Inquisition entretient sans cesse la menace de sa disparition.</p>\n<h2><em>Le Roi s’amuse</em> : le « Waterloo du Romantisme »</h2>\n<p>Victor Hugo commence la rédaction du Roi s’amuse en 1832 et assiste, en juin de la même année, à l’insurrection des Républicains, rapidement écrasés par le pouvoir en place : l’insurrection républicaine que Victor Hugo soutient libère sa plume. La pièce présente une audace unique dans son théâtre. Destinée à la Comédie-Française, la pièce, écrite en vers et de structure en apparence classique, est créée en novembre 1832.</p>\n<p>La création, à laquelle assiste Franz Liszt, constitue <u>l’un des grands scandales de l’époque.</u> La salle est comble, les gens surexcités, les acteurs médiocres, les entr’actes agités de manifestations. <u>Ce qui est condamné, c’est la façon qu’a la pièce de bafouer le « bon goût » et les conventions.</u> On accuse Victor Hugo de dénaturer l’Histoire, l’image du Roi chevalier, de tout réduire au grotesque. Le trivial ne passe pas et on suggère à l’auteur de renoncer à écrire pour le théâtre.</p>\n<h2>Un contexte politique mouvementé</h2>\n<p>Lorsque Victor Hugo écrit <em>Le Roi s’amuse</em>, Paris est en proie à des révoltes populaires. Dans ce contexte, <u>le régime et ses partisans craignent que la révolution littéraire des Romantiques ne tourne à la révolution politique</u> et que le désir de mort de Triboulet contre le roi n’incite des opposants à attenter à la vie de Louis-Philippe. Le jour même de la première, un attentat avait été commis contre le roi : on avait tiré sur lui un coup de pistolet depuis le Pont-Neuf. Aussi les spectateurs ont-ils assisté à la représentation de la pièce dans un état d’esprit très particulier.</p>\n<p>Après la première, Victor Hugo envisage de modifier son texte : il entend supprimer une grande partie de ce qui concerne le bouffon Triboulet, les galanteries lestes du Roi, le grotesque est aussi transformé, tout le vocabulaire populaire est rayé de la pièce, mais aucune des hardiesses politiques n’est touchée. Au lendemain de la première, la pièce est interdite. Victor Hugo écrit alors une Préface et refuse la censure. Il incrimine le gouvernement, la Monarchie de Juillet, et défend la souveraineté de l’art. La Préface sera elle aussi très mal reçue.</p>\n<p>Il attaque la Comédie-Française devant le Tribunal de Commerce pour rupture de contrat afin d’embarrasser le pouvoir, même s’il sait qu’il ne peut pas gagner car la Comédie-Française évoque un cas de force majeure. C’est Odilon Barrot qui défend Victor Hugo le 10 décembre 1832 : le procès tourne au spectacle. La plaidoirie et le discours de Victor Hugo sont brillants mais l’avocat du gouvernement met en lumière leurs contradictions. Le Tribunal déclare son incompétence et Victor Hugo renonce à faire appel.</p>\n<p><em>Le Roi s’amuse</em> ne fut pas repris : sous l’Empire, la pièce reste interdite ; reprise dans sa première version en 1882, elle remporte un succès mitigé : Hugo espérait alors - à tort - que les mentalités avaient changé.</p>" |