diff -r 0c13d78ff496 -r 6f6294d607cd web/enmi20/config.php --- a/web/enmi20/config.php Tue Oct 20 12:07:33 2020 +0200 +++ b/web/enmi20/config.php Tue Oct 27 14:10:44 2020 +0100 @@ -14,114 +14,81 @@ 14ème édition

-

La notion d’information, qui n’avait alors jamais été mobilisée dans l’histoire de la philosophie , est apparue dans le champ théorique à la suite de - plusieurs événements scientifiques : la publication de la théorie de la communication de Shannon en 1948, la mécanisation de certains calculs avec la - première implémentation d’une machine équivalente à celle de Turing (ENIAC) en 1945, et la découverte de la structure de l’ADN en 1953. En 1962, cette - notion fait l’objet du colloque de Royaumont consacré à la cybernétique . En 1970, elle est mobilisée dans La logique du vivant , qui pose la question de - l’information génétique. Dans les années 1980, elle nourrit les sciences cognitives et le computationnalisme, qui considèrent la pensée comme un processus - de traitement de l’information pouvant être implémenté dans une structure électronique.

-
-

L’information devient ainsi le fondement d’une conception mécaniste du vivant, qui réduit la vie biologique (l’organisme) à des mécanismes et d’une - conception cognitiviste de la pensée, qui réduit la vie noétique (l’esprit) à la cognition. La première conduit à des volontés de maîtrise et de - transformation du fonctionnement des êtres vivants, qui ont de nombreuses conséquences problématiques, des OGM à la santé environnementale. La seconde - engendre des volontés de contrôle des pensées et des cerveaux, qui se manifestent par les projets transhumanistes de téléchargement de l’esprit ou - d’implants cérébraux, mais aussi et d’abord par les « applications », pour smartphone notamment, dont le design a pour objectif de capturer et d’exploiter - l’attention des individus psychiques.

-
-

En effet, l’information n’est pas seulement un concept opératoire au fondement des technosciences contemporaines : elle est aussi une réalité technique - et sociale qui ne cesse de se concrétiser, et de transformer en profondeur les rapports intergénérationnels qui constituent les sociétés. Dès 1944, alors - que les industries culturelles audiovisuelles commencent à se développer, Theodor Adorno et Max Horkheimer dénoncent « la marée de l'information précise et - d'amusements domestiqués » qui abêtit les hommes et envahit leurs vies quotidiennes. En 1979, alors que se poursuit « l’informatisation de la société », - Jean-François Lyotard déplore la transformation du savoir en « marchandise informationnelle » : les savoirs ne sont plus pratiqués collectivement mais - « extériorisés par rapport aux sachants » et réduits à leur valeur d’échange, par ce qui sera ensuite décrit comme un « capitalisme cognitif ». Une - trentaine d’années plus tard, Bernard Stiegler ne dira pas autre chose en décrivant le capitalisme computationnel comme une « anti-épistémè » : à l’époque - de l’intelligence artificielle réticulée, tous les savoirs (faire, vivre et penser), autrement dit, tous les échanges en quoi consiste la vie psychique et - sociale, sont soumis aux calculs et aux marchés, après avoir été transformés en données à travers les instruments de statistique, de mesure, de - quantification et de logistique que constituent les algorithmes.

-
- -

Cette « digitalisation généralisée », qui correspond à une marchandisation de toutes les sphères de l’existence, ne cesse néanmoins de révéler son - caractère pharmacologique : si l’apparition du web avait pu engendrer un certain nombre d’espoirs quant au renversement des pouvoirs - « télé-techno-médiatiques », voire l’émergence de nouvelles utopies, l’avènement des réseaux sociaux, combinés aux smartphones et aux applications et - contrôlés par quelques plateformes planétaires, ont mis fin aux rêves de décentralisation, de partage du savoir et de démocratisation : ce sont au - contraire des « sociétés de contrôle » qui semblent s’être progressivement instaurées, dominées par des médias sociaux mémétiques, dont la toxicité en - terme d’« écologie mentale » est désormais prouvée et dont les enjeux politiques n’ont pas fini de se manifester. Soumises au marketing et à la publicité, - fondées sur la logique de l’audience, du buzz et du marché, les industries culturelles numériques poursuivent ainsi la destruction des relations entre - générations que l’avènement de la télévision avait considérablement aggravé . Cette destruction s’opère à travers la « disruption » les différents types - de savoirs qui composent et consolident ces relations : depuis les savoirs éducatifs menacés par la surexposition des jeunes enfants aux écrans et la - captation toujours plus performante de l’attention des adolescents par les plateformes, jusqu’aux savoirs médicaux et scientifiques réduits à des quantités - massives de données et leur traitement automatique , en passant par les différents types de savoirs vivre, exister et habiter, que la « smartification » - des environnements urbains semble menacer.

-
- -

A l’heure du « screen new deal », qui correspond à une extension sans précédent du télé-travail et du télé-enseignement, il semble plus que jamais - nécessaire de transformer le fonctionnement des « télétechnologies » informatiques et numériques, pour éviter ces effets de « prolétarisation généralisée », - qui menacent la vie politique et accélèrent la catastrophe écologique. Une telle tâche suppose néanmoins de repenser les modèles théoriques et économiques - qui sont au fondement du fonctionnement de ces technologies.

-
+

+ Argumentaire et programme rédigés par Anne Alombert (UCL), + Victor Chaix (IRI) et Maël Montévil (IRI) +

+ +

+ En proposant de prendre soin de l’informatique et des générations, + les Entretiens du Nouveau Monde Industriel 2020 poursuivent deux objectifs principaux : +

+ +

+ . interroger les fondements théoriques de l’informatique + qui commandent le fonctionnement des technologies numériques contemporaines ; +

+ +

+ . et concevoir de nouveaux dispositifs et de nouvelles pratiques pour mettre + ces technologies au service de la transmission, du partage et de la constitution de savoirs transgénérationnels. +

-

Les modèles informationnels et computationnels de la vie biologique et noétique qui se sont imposés n’ont rien de nécessaires. Bien au contraire : une - contre-histoire reste à écrire, montrant que les premiers spécialistes de la cybernétique se méfiaient de l’analogie entre machine et organisme et qu’Alan - Turing lui-même n’aurait jamais osé comparer l’intelligence à un traitement de données. Dans le champ de la philosophie elle-même, de Bergson à Canguilhem, - en passant par Lotka, Popper, Leroi-Gourhan et Simondon, une pensée de l’extériorisation technique a vu le jour, qui permet de dépasser les analogies entre - machine et organisme comme entre ordinateur, cerveau et pensée. La machine ou l’ordinateur, produits par des vivants pensants et s’individuant - collectivement, ne peuvent servir de modèles pour saisir le « fonctionnement » de ces mêmes vivants : ils ne constituent pas des modèles, mais des organes - artificiels, c’est-à-dire, des supports dans lesquels s’extériorisent des fonctions motrices ou noétiques, fonctions qui évoluent donc avec les systèmes - d’écritures et de calculs mécaniques, automatiques, analogiques, puis numériques. C’est cette co-évolution entre fonctions noétiques et organes - exosomatiques que Bernard Stiegler décrivait comme une « exorganogenèse de la noèse », et qui devait selon lui constituer la base d’une « nouvelle - informatique théorique ».

-
+

+ Nous tenterons ainsi de repenser la question de l’intelligence artificielle à partir + d’un nouveau paradigme théorique, qui ne se fonde plus sur l’analogie entre l’humain + et la machine, mais qui prenne en compte les interactions entre individus psychiques, + milieux techniques et organisations sociales : au lieu d’envisager la vie ou l’esprit + comme des processus de traitement d’information, comme le propose les paradigmes cybernétiques + et cognitivistes dominants, nous nous interrogerons sur le processus d’exosomatisation, à travers + lequel les vivants humains extériorisent leurs fonctions noétiques dans des organes artificiels, + qui peuvent ainsi devenir les supports d’une mémoire collective et de savoirs transgénérationnels dont il faut prendre soin. +

-

Nous tenterons durant ces deux jours d’explorer cette voie, à la fois du point de vue de ses enjeux théoriques (1) et de ses enjeux pratiques et - politiques (2).

-
+

+ Nous tenterons ensuite de traduire ces questions théoriques en terme de conception + et de développement technologiques. Comment réaliser des plateformes numériques au service + des relations sociales et intergénérationnelles, aujourd’hui menacées par les applications addictives + et l’économie des données ? Comment intégrer dans les dispositifs computationnels des fonctions délibératives + et interprétatives, qui dépassent toujours les programmes calculables en produisant des bifurcations improbables ? + Comment transformer les technologies de l’information et de la communication en supports de mémoire, d’interprétation, + de délibération et d’invention, au service du partage des savoirs et de l’intelligence collective, et pour répondre aux + enjeux de l’ère post-vérité ? En un mot, comment penser un web herméneutique et transgénérationnel ? +

-

(1) En quoi la prise en compte du processus d’exosomatisation permet-elle de dépasser le paradigme de l’information, et implique-t-elle de repenser - jusqu’à la notion même d’intelligence artificielle ? Comment transformer l’objet de l’interrogation théorique, afin de ne plus se focaliser sur la machine - elle-même, et sur ses potentielles performances computationnelles, mais d’envisager son couplage avec les individus psychiques au sein d’organisations - sociales, économiques et politiques ? En quoi cette étude des rapports entre organismes psycho-somatiques, organes techniques et organisations sociales - permet-elle de renouveler les conceptions de la vie, de la technique et de l’esprit ?

-
- -

(2) Comment cette nouvelle approche « organologique » se traduit-elle en termes de conceptions et de développements technologiques ? Comment réaliser - des dispositifs numériques prenant soin des relations sociales et des fonctions noétiques, en particulier celles des nouvelles générations ? Les - technologies numériques peuvent-elles devenir autre chose que des puissances de calculs ? Peuvent-elles favoriser la délibération collective, le partage - des savoirs et la réactivation des significations transgénérationnelles, plutôt que l’économie des données et le capitalisme computationnel ?

- -


Programme initial

-

ATTENTION ceci est une version de travail à confirmer.

+

ATTENTION, ce programme est encore susceptible de varier.


Mardi 22 décembre : Repenser l’informatique théorique


09h30-12h30 - Session 1 : Vers une nouvelle informatique théorique : de l’information à l’exosomatisation, enjeux philosophiques, économiques et politiques


14h00 : 16h30 - Session 2 : Information et signification, de la vie endosomatique à la vie exosomatique : entre calcul et incalculable, entre biologie et informatique


17h00 : 19h30 - Session 3 : Technologies de la langue, programmes musicaux et langages informatiques : des données calculables aux improvisations interprétatives



@@ -129,32 +96,33 @@

09h30 : 12h30 - Session 4 : L’individuation psychique et collective dans les milieux digitaux : données et profils, addictions et attentions


14h00 : 16h30 - Session 5 : Éducations et capacitation dans l'ère post-véridique : technologies numériques, médias sociaux et savoirs transgénérationnels


-

16h00 : 18h00 - Session 6 : Recherche et design dans les milieux digitaux : des programmes aux bifurcations

+

17h00 : 19h30 - Session 6 : Recherche et design dans les milieux digitaux : des programmes aux bifurcations

", 'link' => "https://enmi-conf.org/wp/enmi20/",