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Mon, 25 May 2009 16:23:48 +0000
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maj du lien vers le séminaire Création et Territoires, et favicon.ico sur accueils

<div id="abstract">
              <p>
              <b>Résumé </b>:
<p align="justify">Ce nouveau séminaire 
aura pour objet l&rsquo;articulation de la pratique artistique et du jugement 
critique. Il prendra appui sur un séminaire engagé en 2006 à Paris 
X, consacré aux impasses formalistes auxquelles s&rsquo;est confronté 
l&rsquo;art conceptuel et néo-conceptuel. En nous appuyant sur les écrits 
de Jeff Wall, nous avions étudié comment l&rsquo;interrogation de l&rsquo;institution 
par les pratiques conceptuelles et néo-conceptuelles de l&rsquo;art avaient 
succombé à une institutionnalisation de ces pratiques, et un mouvement 
de retour à des positions formalistes plus ou moins explicites, et, 
par voie de conséquence, au renforcement de la lecture greenbergienne 
de l&rsquo;histoire de l&rsquo;art moderne. <br/></p>

<p align="justify">      Ces 
analyses nous ont amené à reposer l&rsquo;importance pour l&rsquo;art, pour 
sa production comme pour sa réception, de la notion d&rsquo;expérience 
sans contenu. « L&rsquo;expérience esthétique nous forme, modifie nos 
sentiments et nous transforme : c&rsquo;est pourquoi, selon Kant, on a besoin 
d&rsquo;art ». (Jeff Wall, Ecrits et entretiens, p.29). La critique doit 
passer « par » nous, si nous voulons en devenir les agents. Ce que Kant 
appelle « jugement » dans la Troisième Critique est l&rsquo;appréciation 
« sentimentale » de cette formation par l&rsquo;expérience esthétique. 
L&rsquo;exercice du jugement s&rsquo;oriente à partir du « jeu des facultés » 
et suppose que ce jeu puisse être appréhendé dans ses accords comme 
dans ses désaccords, comme plaisir ou comme déplaisir. Mais cette 
appréhension n&rsquo;est pas intuitive : elle doit être réfléchie à 
partir d&rsquo;une forme « une » que Kant identifie à la forme de l&rsquo;entendement. <br/>
</p>

<p align="justify">      Tout 
en conservant l&rsquo;essentiel de cette notion d&rsquo;expérience esthétique, 
la modernité a contesté  que cette forme « une » puisse être 
donnée a priori. Comme le montre l&rsquo;histoire de la forme-tableau au 
moins depuis Manet, elle a montré et travaillé le caractère historique 
et artificiel de cette forme. Mais surtout elle a montré qu&rsquo;elle 
devait être pratiquée pour donner lieu à expérience. La modernité 
a ainsi insisté sur la force non seulement formative mais transformatrice 
de l&rsquo;expérience esthétique. Ce qui a donné lieu, du côté de la 
production, à l&rsquo;abandon « du » medium pour l&rsquo;expérimentation des 
media, et, du côté de la réception, à la problématisation de la 
forme-musée. C&rsquo;est ainsi que le jugement s&rsquo;est élargi jusqu&rsquo;à 
inclure la pratique comme une de ses dimensions. </p>
<p align="justify">      L&rsquo;articulation 
du jugement et de la pratique est au coeur de l&rsquo;expérience artistique 
moderne, qu&rsquo;on la considère du point de vue de la réception ou de 
la production. Elle pourrait être définie par le mot de « justesse » 
qui ajoute aux deux premières, jugement et pratique, la notion fondamentale 
de « balance » ou de critique. La justesse désigne la manière dont 
la transmission artistique de l&rsquo;expérience peut transformer les données 
esthétiques de cette expérience.  <br/></p>

<p align="justify">      Le 
séminaire à venir partira de ces formulations et reformulations de 
la modernité et les reprendra à la lumière du discours philosophique 
de Michel Foucault et de son analyse de la modernité comme « réflexion 
du présent » telle qu&rsquo;elle est proposée dans les différentes versions 
de l&rsquo;essai de 1984 Was ist Aufklärung. Foucault relance dans ce texte 
le projet kantien de modernité critique, à ceci près que le sujet 
de la réflexion n&rsquo;est pas le sujet de l&rsquo;entendement et ses capacités 
de schématisation mais ce qu&rsquo;il appelle les savoirs, c&rsquo;est-à-dire 
les formules épistémologiques qui en s&rsquo;effectuant sous la forme 
de techniques opérent, sans l&rsquo;intervention précisément d&rsquo;aucun 
jugement, le contrôle des modes d&rsquo;individuation. Comment dénouer 
le lien fatal entre maîtrise technologique et domination bio-politique ? 
ou encore comment déconnecter la « croissance des capacités et l&rsquo;intensification 
des relations de pouvoir » ? Telle est la question à laquelle se trouvent 
confrontées les Lumières contemporaines. <br/></p>
<p align="justify">      Dans 
ce contexte, Michel Foucault réintroduit la fonction du « jugement » 
à partir de l&rsquo;expérimentation des pouvoirs conférés aux savoirs 
par les techniques. L&rsquo;expérimentation par exemple des pouvoirs sur 
les corps conférés aux théories sociales occidentales par les techniques 
d&rsquo;administration de la vie et de la mort. Conduite dans un esprit 
de transgression méthodique, cette expérimentation des moyens non 
plus en vue de leurs fins « propres » mais indépendamment de ces fins, 
voire contre  elles, « autorise » une réflexion de ces moyens, 
et, avec elle, l&rsquo;invention de formules épistémologiques neuves. 
Le jugement désigne dans ce contexte la « conduite » de la transgression. 
Pour que la transgression puisse donner lieu à des modes d&rsquo;individuation 
qui excèdent les « programmes de contrôle »  sans pour autant 
sortir du terrain de l&rsquo;expérimentation partageable, voire universalisable, 
-ce en quoi Foucault demeure un Aufklärer- elle doit en effet être 
dirigée. Cette conduite, direction ou pratique relève d&rsquo;un art du 
jugement ou ethos que Michel Foucault réfère aux techniques de soi 
antiques et chrétiennes. Et tout particulièrement aux arts de la mémoire. 
Le jugement devient dans sa pensée « souci de soi ».  <br/>

</p>
<p align="justify">      Qu&rsquo;en 
est-il aujourd&rsquo;hui de cet art du jugement, autrement dit de la possibilité 
de conduire l&rsquo;expérimentation des modes de contrôle impliqués par 
les technologies contemporaines dans le sens de la transgression de 
telle manière qu&rsquo;elle puissent servir de nouvelles formules épistémologiques 
et des modes d&rsquo;individuation inédits ?  <br/></p>

<p align="justify">      Michel 
Foucault lègue cette question ; il n&rsquo;y répond pas, s&rsquo;étant consacré 
à l&rsquo;articuler dans le contexte de savoirs médiatisés par les techniques 
de production et d&rsquo;administration du 19<sup>ème</sup> siècle. C&rsquo;est 
pourquoi sa théorie a pu être mise au service de la défense des identités 
et récupérée par des épistémologisations à vocation identitaire, 
ce qui n&rsquo;était assurément pas son propos. Pourtant son intérêt 
pour les arts de la mémoire sur lesquels reposent les techniques de 
soi traditionnelles est de première importance pour la compréhension 
de ce que peut être une pratique transgressive de nos outils. <br/>

</p>
<p align="justify">      L&rsquo;articulation 
savoirs/pouvoirs passe aujourd&rsquo;hui par les technologies de reproduction 
et d&rsquo;archivage, et le contrôle politique des sociétés s&rsquo;exerce 
par l&rsquo;intermédiaire des appareils collectifs de mémorisation.  
Avant de s&rsquo;exercer sur les individus, les pouvoirs des systèmes de 
programmation s&rsquo;exercent sur l&rsquo;information elle-même. La question 
est donc de savoir ce que signifient dans ce contexte nouveau et au-delà 
du pragmatisme ambiant les concepts de réflexion, de transgression, 
de jugement.  <br/></p>
<p align="justify">      La 
nouvelle forme de la relation de pouvoir est aujourd&rsquo;hui l&rsquo;information. 
Cette information se réfléchit automatiquement en s&rsquo;archivant. Pour 
que cette réflexion automatique devienne matière à expérimentation 
il est nécessaire que cet archivage émancipe l&rsquo;information du programme 
qui l&rsquo;a produite et la connecte avec d&rsquo;autres programmes. C&rsquo;est 
le modèle rhyzomatique de l&rsquo;archive conçu par Gilles Deleuze « pour » 
Michel Foucault, modèle actuellement pratiqué par de nombreux artistes. 
Mais à quelle condition cette expérimentation est-elle transgression au 
sens où Foucault l&rsquo;entend ? A condition qu&rsquo;elle émancipe l&rsquo;information 
non seulement de « son » programme, mais de sa fonction de communication 
soluble dans l&rsquo;opération de sa transmission, et que sa réflexion 
ne soit pas simplement formelle mais réelle : qu&rsquo;elle produise non 
seulement de la connectivité mais de l&rsquo;individuation. L&rsquo;information 
est réfléchie sur un mode pratique dès lors qu&rsquo;elle est lue. Lue, 
interprétée, documentée. L&rsquo;opération du jugement intervient ici 
avec l&rsquo;intervention de la lecture, partie intégrante des techniques 
de soi et des arts de la mémoire. <br/></p>

<p align="justify">      Nous 
pourrons alors faire retour vers l&rsquo;art contemporain, pour envisager 
les modes de lecture, de réinscription et d&rsquo;archivage qu&rsquo;il met 
en oeuvre comme autant d&rsquo;actualisations de la réflexion de Michel 
Foucault. On s&rsquo;intéressera dans cette perspective à l&rsquo;oeuvre de 
Chris Marker, de Pierre Huyghe et de Tatiana Trouvé. Il s&rsquo;agira au 
cours de cette étape de proposer des représentations du jugement aujourd&rsquo;hui 
tel qu&rsquo;il s&rsquo;exerce dans la production/réception artistique de manière 
à pouvoir élargir ce concept de « lecture ». » <br/> <br/>
</div>