<div id="abstract">
<p>
<b>R�sum� </b>:
<p align="justify">Ce nouveau s�minaire
aura pour objet l’articulation de la pratique artistique et du jugement
critique. Il prendra appui sur un s�minaire engag� en 2006 � Paris
X, consacr� aux impasses formalistes auxquelles s’est confront�
l’art conceptuel et n�o-conceptuel. En nous appuyant sur les �crits
de Jeff Wall, nous avions �tudi� comment l’interrogation de l’institution
par les pratiques conceptuelles et n�o-conceptuelles de l’art avaient
succomb� � une institutionnalisation de ces pratiques, et un mouvement
de retour � des positions formalistes plus ou moins explicites, et,
par voie de cons�quence, au renforcement de la lecture greenbergienne
de l’histoire de l’art moderne. <br/></p>
<p align="justify"> Ces
analyses nous ont amen� � reposer l’importance pour l’art, pour
sa production comme pour sa r�ception, de la notion d’exp�rience
sans contenu. � L’exp�rience esth�tique nous forme, modifie nos
sentiments et nous transforme : c’est pourquoi, selon Kant, on a besoin
d’art �. (Jeff Wall, Ecrits et entretiens, p.29). La critique doit
passer � par � nous, si nous voulons en devenir les agents. Ce que Kant
appelle � jugement � dans la Troisi�me Critique est l’appr�ciation
� sentimentale � de cette formation par l’exp�rience esth�tique.
L’exercice du jugement s’oriente � partir du � jeu des facult�s �
et suppose que ce jeu puisse �tre appr�hend� dans ses accords comme
dans ses d�saccords, comme plaisir ou comme d�plaisir. Mais cette
appr�hension n’est pas intuitive : elle doit �tre r�fl�chie �
partir d’une forme � une � que Kant identifie � la forme de l’entendement. <br/>
</p>
<p align="justify"> Tout
en conservant l’essentiel de cette notion d’exp�rience esth�tique,
la modernit� a contest� que cette forme � une � puisse �tre
donn�e a priori. Comme le montre l’histoire de la forme-tableau au
moins depuis Manet, elle a montr� et travaill� le caract�re historique
et artificiel de cette forme. Mais surtout elle a montr� qu’elle
devait �tre pratiqu�e pour donner lieu � exp�rience. La modernit�
a ainsi insist� sur la force non seulement formative mais transformatrice
de l’exp�rience esth�tique. Ce qui a donn� lieu, du c�t� de la
production, � l’abandon � du � medium pour l’exp�rimentation des
media, et, du c�t� de la r�ception, � la probl�matisation de la
forme-mus�e. C’est ainsi que le jugement s’est �largi jusqu’�
inclure la pratique comme une de ses dimensions. </p>
<p align="justify"> L’articulation
du jugement et de la pratique est au coeur de l’exp�rience artistique
moderne, qu’on la consid�re du point de vue de la r�ception ou de
la production. Elle pourrait �tre d�finie par le mot de � justesse �
qui ajoute aux deux premi�res, jugement et pratique, la notion fondamentale
de � balance � ou de critique. La justesse d�signe la mani�re dont
la transmission artistique de l’exp�rience peut transformer les donn�es
esth�tiques de cette exp�rience. <br/></p>
<p align="justify"> Le
s�minaire � venir partira de ces formulations et reformulations de
la modernit� et les reprendra � la lumi�re du discours philosophique
de Michel Foucault et de son analyse de la modernit� comme � r�flexion
du pr�sent � telle qu’elle est propos�e dans les diff�rentes versions
de l’essai de 1984 Was ist Aufkl�rung. Foucault relance dans ce texte
le projet kantien de modernit� critique, � ceci pr�s que le sujet
de la r�flexion n’est pas le sujet de l’entendement et ses capacit�s
de sch�matisation mais ce qu’il appelle les savoirs, c’est-�-dire
les formules �pist�mologiques qui en s’effectuant sous la forme
de techniques op�rent, sans l’intervention pr�cis�ment d’aucun
jugement, le contr�le des modes d’individuation. Comment d�nouer
le lien fatal entre ma�trise technologique et domination bio-politique ?
ou encore comment d�connecter la � croissance des capacit�s et l’intensification
des relations de pouvoir � ? Telle est la question � laquelle se trouvent
confront�es les Lumi�res contemporaines. <br/></p>
<p align="justify"> Dans
ce contexte, Michel Foucault r�introduit la fonction du � jugement �
� partir de l’exp�rimentation des pouvoirs conf�r�s aux savoirs
par les techniques. L’exp�rimentation par exemple des pouvoirs sur
les corps conf�r�s aux th�ories sociales occidentales par les techniques
d’administration de la vie et de la mort. Conduite dans un esprit
de transgression m�thodique, cette exp�rimentation des moyens non
plus en vue de leurs fins � propres � mais ind�pendamment de ces fins,
voire contre elles, � autorise � une r�flexion de ces moyens,
et, avec elle, l’invention de formules �pist�mologiques neuves.
Le jugement d�signe dans ce contexte la � conduite � de la transgression.
Pour que la transgression puisse donner lieu � des modes d’individuation
qui exc�dent les � programmes de contr�le � sans pour autant
sortir du terrain de l’exp�rimentation partageable, voire universalisable,
-ce en quoi Foucault demeure un Aufkl�rer- elle doit en effet �tre
dirig�e. Cette conduite, direction ou pratique rel�ve d’un art du
jugement ou ethos que Michel Foucault r�f�re aux techniques de soi
antiques et chr�tiennes. Et tout particuli�rement aux arts de la m�moire.
Le jugement devient dans sa pens�e � souci de soi �. <br/>
</p>
<p align="justify"> Qu’en
est-il aujourd’hui de cet art du jugement, autrement dit de la possibilit�
de conduire l’exp�rimentation des modes de contr�le impliqu�s par
les technologies contemporaines dans le sens de la transgression de
telle mani�re qu’elle puissent servir de nouvelles formules �pist�mologiques
et des modes d’individuation in�dits ? <br/></p>
<p align="justify"> Michel
Foucault l�gue cette question ; il n’y r�pond pas, s’�tant consacr�
� l’articuler dans le contexte de savoirs m�diatis�s par les techniques
de production et d’administration du 19<sup>�me</sup> si�cle. C’est
pourquoi sa th�orie a pu �tre mise au service de la d�fense des identit�s
et r�cup�r�e par des �pist�mologisations � vocation identitaire,
ce qui n’�tait assur�ment pas son propos. Pourtant son int�r�t
pour les arts de la m�moire sur lesquels reposent les techniques de
soi traditionnelles est de premi�re importance pour la compr�hension
de ce que peut �tre une pratique transgressive de nos outils. <br/>
</p>
<p align="justify"> L’articulation
savoirs/pouvoirs passe aujourd’hui par les technologies de reproduction
et d’archivage, et le contr�le politique des soci�t�s s’exerce
par l’interm�diaire des appareils collectifs de m�morisation.
Avant de s’exercer sur les individus, les pouvoirs des syst�mes de
programmation s’exercent sur l’information elle-m�me. La question
est donc de savoir ce que signifient dans ce contexte nouveau et au-del�
du pragmatisme ambiant les concepts de r�flexion, de transgression,
de jugement. <br/></p>
<p align="justify"> La
nouvelle forme de la relation de pouvoir est aujourd’hui l’information.
Cette information se r�fl�chit automatiquement en s’archivant. Pour
que cette r�flexion automatique devienne mati�re � exp�rimentation
il est n�cessaire que cet archivage �mancipe l’information du programme
qui l’a produite et la connecte avec d’autres programmes. C’est
le mod�le rhyzomatique de l’archive con�u par Gilles Deleuze � pour �
Michel Foucault, mod�le actuellement pratiqu� par de nombreux artistes.
Mais � quelle condition cette exp�rimentation est-elle transgression au
sens o� Foucault l’entend ? A condition qu’elle �mancipe l’information
non seulement de � son � programme, mais de sa fonction de communication
soluble dans l’op�ration de sa transmission, et que sa r�flexion
ne soit pas simplement formelle mais r�elle : qu’elle produise non
seulement de la connectivit� mais de l’individuation. L’information
est r�fl�chie sur un mode pratique d�s lors qu’elle est lue. Lue,
interpr�t�e, document�e. L’op�ration du jugement intervient ici
avec l’intervention de la lecture, partie int�grante des techniques
de soi et des arts de la m�moire. <br/></p>
<p align="justify"> Nous
pourrons alors faire retour vers l’art contemporain, pour envisager
les modes de lecture, de r�inscription et d’archivage qu’il met
en oeuvre comme autant d’actualisations de la r�flexion de Michel
Foucault. On s’int�ressera dans cette perspective � l’oeuvre de
Chris Marker, de Pierre Huyghe et de Tatiana Trouv�. Il s’agira au
cours de cette �tape de proposer des repr�sentations du jugement aujourd’hui
tel qu’il s’exerce dans la production/r�ception artistique de mani�re
� pouvoir �largir ce concept de � lecture �. � <br/> <br/>
</div>